Italie : de “CR7” à l’accueil des grandes fortunes.
Popularisé par le cas de Cristiano Ronaldo, le régime fiscal italien des néo-résidents permet, sous conditions, de bénéficier d’une imposition forfaitaire sur les revenus de source étrangère. Cette note détaille les conditions d’accès, les avantages, les obligations déclaratives, ainsi que les précisions issues des circulaires de l’Agenzia delle Entrate.
I. Contexte : l’Italie, une destination fiscale stratégique
Selon une étude Henley & Partners, plus de 142 000 millionnaires dans le monde envisagent de changer de résidence fiscale en 2025. L’Italie figure en 3ème position derrière les Émirats arabes unis et les États-Unis. Cette attractivité s’explique notamment par la mise en place, en 2017, du régime des néo-résidents prévu à l’article 24-bis du TUIR (Testo unico delle imposte sui redditi), baptisé aussi « régime CR7 ».
Ce régime permet de bénéficier, pendant 15 ans, d’une imposition forfaitaire de 200 000 € par an sur les revenus de source étrangère. Les membres de la famille peuvent également en bénéficier pour 25 000 € par an et par personne.
Je partage ici (lien) l’introduction d’une note d’analyse consacrée à ce régime, à ses mécanismes, ainsi qu’aux points de vigilance identifiés comme terrains de contrôle pour l’administration fiscale italienne. Le document complet peut être adressé aux personnes intéressées.
Je suis à disposition pour en discuter, que ce soit dans une logique de revue indépendante d’une situation déjà en place, ou pour accompagner, en amont, un projet d’installation.
Vous trouverez ci-après un tableau récapitulatif des aspects caractérisant ce régime :
II. Conditions d’accès au régime (art. 24-bis TUIR)
Conditions principales :
- Ne pas avoir été résident fiscal italien pendant au moins 9 des 10 années précédentes (art. 2, al. 2 TUIR).
- Transférer sa résidence fiscale en Italie.
Modalités d’option :
- Indication expresse dans la déclaration de revenus.
- Paiement intégral de l’impôt forfaitaire dans les délais (en principe 30 juin N+1). Aucun régularisation (ravvedimento operoso) n’est admise (Circ. 17/E-2017).
Extension à la famille :
- Membres au sens de l’article 433 du Code civil.
- Imposition forfaitaire de 25 000 €/an/personne.
III. Avantages fiscaux étendus
1. Exonération des droits de succession et donation sur les biens étrangers
Conformément à l’art. 1, § 158, de la loi de finances 2017, les transmissions patrimoniales portant sur des actifs étrangers sont exonérées de droits, même si le contribuable est résident fiscal italien.
2. Exonération de l’IVIE et de l’IVAFE
- IVIE (impôt italien sur la valeur des immeubles situés à l'étranger) : exonération pour toute la durée du régime (art. 19, § 13, DL 201/2011).
- IVAFE (impôt italien sur la valeur des actifs financiers situés à l'étranger) : idem (art. 19, § 18, DL 201/2011)
Ces exonérations ne s’appliquent pas aux États expressément exclus de l’option (art. 24-bis, al. 5 TUIR).
3. Dispense de déclaration des avoirs à l'étranger
Les contribuables sont dispensés de l’obligation de déclarer leurs avoirs étrangers (art. 4 DL 167/1990), sauf participations qualifiées (Circ. 17/E-2017).
IV. L’interpello probatorio : un outil de sécurisation
Les contribuables peuvent interroger l’administrationfiscale italienne en déposant une demande d’interpello probatorio fondéesur l’article 11, alinéa 1, lettre b) de la loi n° 212/2000. Ce rescrit, s’ilest favorable, offre une assurance juridique précieuse surl’éligibilité au régime, limitant ainsi le risque de contestation ultérieure.
Dossier à fournir :
- Données personnelles et fiscales.
- Preuve de non-résidence en Italie.
- États antérieurs de résidence.
- États exclus de l’option.
- Check-list du Provvedimento 47060/2017.
V. Champ d’application et revenus éligibles
Tous les revenus de source étrangère (États couverts par l’option) sont en principe couverts : salaires, dividendes, plus-values, cryptoactifs, stock-options (Circ. 83/2022 ; Rép. Interpello 397/2022).
Exception : les plus-values sur participations qualifiées restent imposables selon le régime ordinaire si cession dans les 5 premières années (26 %).
VI. Paiement et maintien du régime
- Montant annuel : 200 000 € (25 000 € pour les membres de la famille).
- Paiement unique avant le 30 juin N+1.
- Aucun retard admis. En cas de défaut ou retard : perte immédiate du régime.
Durée :
- 15 ans maximum, non renouvelables.
- Option révocable, mais irréversible.
VII. Conclusion : un régime puissant mais exigeant
Au-delà de son apparente simplicité, le régime des néo-résidents expose le contribuable à plusieurs zones de vulnérabilité. La qualification des revenus, leur source réelle et la structuration des flux sont des terrains glissants. L’affaire Cristiano Ronaldo en offre une illustration emblématique : malgré la domiciliation des payeurs à l’étranger, la juridiction italienne a estimé que les revenus issus de l’exploitation de son image relevaient d’une activité professionnelle autonome exercée depuis l’Italie – excluant ainsi leur éligibilité à l’imposition forfaitaire.
D’autres situations présentent un risque de requalification tout aussi substantiel. Lorsqu’un contribuable dirige effectivement une société étrangère depuis l’Italie, cette dernière peut être considérée comme fiscalement résidente en Italie. Les dividendes qu’elle verse risquent alors de perdre leur nature de revenus de source étrangère. De même, le recours à des structures interposées ou à des entités contrôlées à l’étranger (CFC) est attentivement scruté : l’administration italienne n’hésite pas à attribuer les revenus à leur bénéficiaire effectif si elle en démontre le contrôle réel, y compris par présomptions.
Enfin, la portée internationale du régime suppose une reconnaissance claire de la résidence fiscale italienne par l’État de départ. Sans cela, l’absence d’harmonisation conventionnelle peut compromettre les avantages escomptés, notamment en matière de double imposition. La nature même de l’impôt substitutif prévu à l’article 24-bis TUIR — et son acceptation comme « impôt sur le revenu » au sens des conventions bilatérales — demeure un point technique à ne pas sous-estimer.
Ces lignes de fracture — requalification des revenus, interposition, règles CFC, reconnaissance conventionnelle — sont autant de zones où l’administration fiscale italienne, sous des dehors feutrés, peut déclencher un véritable match d’interprétation. Le contribuable averti gagnera à jouer avec une défense bien organisée.
S.ASSOGNA - sandro.assogna@avocat.fr