Sandro Assogna

Management packages à la française : un régime fiscal entre salaire et plus-value

Adopté dans la loi de finances 2025, le nouvel article 163 bis H du CGI soumet, par principe, les gains issus des management packages à l’impôt sur le revenu dans la catégorie traitements et salaires, tout en prévoyant, de façon encadrée, une fraction imposable comme plus-value mobilière lorsque l’investisseur supporte un véritable risque en capital. Je décrypte ici le mécanisme, la formule de calcul, les conditions d’application et les enjeux transfrontaliers qu’il soulève.

Categorie
Droit fiscal du patrimoine
Date
12.2.25

1. Contexte : d’un terrain jurisprudentiel incertain à un cadre légal

Depuis la décision CE 13 juillet 2021, la requalification en traitements et salaires repose sur un faisceau d’indices démontrant que le gain rémunère avant tout les fonctions exercées – notamment les clauses de cession automatique en cas de départ (CE 28 janv. 2022).
Conséquence :

  • taux IR + prélèvements pouvant excéder 49 % ;
  • charges sociales (part employeur + salarié) capables de porter le prélèvement total au-delà de 85 %.

Pour sécuriser l’environnement fiscal, le PLF 2025 pose désormais une règle duale.

2. Principe général : taxation en salaires + contribution spécifique

  1. Traitements et salaires
    La part du gain considérée comme contrepartie des fonctions (article 163 bis H, I) relève de l’impôt sur le revenu au barème progressif.
  2. Contribution salariale de 10 %
    S’ajoute une contribution spécifique, recouvrée comme les prélèvements sociaux sur revenus du patrimoine.
  3. Exonération de cotisations patronales (jusqu’en 2027)
    Cette part salariale reste toutefois hors assiette des charges patronales de sécurité sociale.

3. Exception : fraction éligible au régime des plus-values

3.1 Conditions d’accès

  • Risque en capital réel : les titres doivent pouvoir perdre tout ou partie de leur valeur d’achat/attribution.
  • Durée de détention :
    • minimum 2 ans pour les instruments “ordinaires” (obligations convertibles, actions de préférence, etc.) ;
    • ou attribution via dispositifs légaux (actions gratuites, stock-options, BSPCE).

3.2 Formule légale

Le texte fixe une méthode de détermination du gain net imposable en tant que plus-value en utilisant la formule suivante :

Avec :

  • P : le prix d’acquisition ou de souscription des titres (ou leur valeur à l’attribution s’agissant des actions gratuites).
  • VR_{Sortie} : la valeur réelle de la société à la date de cession.
  • VR_{Entrée} : la valeur réelle de la société à la date d’acquisition ou de souscription.

La fraction ainsi calculée est imposée selon l’article 150-0 A (PFU 30 % ou barème + abattements le cas échéant).

Ce régime d'imposition en tant que plus-value est soumis aux conditions suivantes :

  • Pour les actions gratuites, stock-options et BSPCE (régimes légaux) : les titres doivent présenter un risque de perte de leur valeur d’acquisition ou de souscription.
  • Pour les autres instruments financiers : ils doivent présenter un risque de perte du capital souscrit ou acquis et avoir été détenus pendant au moins deux ans.

4. Zones grises restantes

4.1 Gains perçus sans lien d’emploi ou de mandat

Le texte vise “salariés ou dirigeants”. Des investisseurs-managers hors lien contractuel pourraient encore défendre la qualification purement capitalistique, selon la logique jurisprudentielle antérieure.

4.2 Coordination internationale

  • Salaires : droit d’imposition en principe à l’État d’exercice (article 15 modèle OCDE).
  • Plus-values mobilières : droit d’imposition à l’État de résidence (article 13).

Un État étranger pourrait qualifier la fraction salariale française de plus-value : risque de double imposition si la convention ne règle pas la divergence.

5. Points de vigilance pratiques

Avant l’investissement :

  • documenter le risque financier : absence de clause de rachat automatique, investissement réellement à risque, absence de lien de subordination économique manifeste ;
  • justifier l’objectif patrimonial distinct de la rémunération.

Pendant la détention :

  • suivre la valorisation de la société pour anticiper le calcul du multiple de performance ;
  • conserver les preuves de participation active à la création de valeur (PV d’AG, rapports de gestion, clauses du pacte…).

Au moment du dénouement :

  • Séparer clairement les flux dans la documentation :
     • part imposée comme salaire (ex : mentionnée dans le bulletin ou la DSN)
     • part imposée comme plus-value (relevé d’opération ou IFU)
  • Vérifier la base de calcul du multiple : cohérence entre valorisation d’entrée et de sortie.

En cas de situation internationale :

  • analyser la convention fiscale applicable pour éviter les doubles impositions.
  • prévoir les justificatifs en cas de divergence de qualification entre États (ex : attestation d’imposition, formulaire de crédit d’impôt).

6. Conclusion : un cadre stabilisé… mais évolutif

Le nouvel article 163 bis H apporte une lisibilité bienvenue, tout en laissant subsister un équilibre fragile :

  • l’exonération de charges patronales peut être revisitée lors des prochaines lois de financement de la sécurité sociale ;
  • l’administration devra préciser ses commentaires pour sécuriser la détermination du VR_{Sortie} et du VR_{Entrée}.

Je reste disponible pour auditer vos plans de management package, anticiper les impacts transfrontaliers et sécuriser votre documentation.

S.ASSOGNA (sandro.assogna@avocat.fr)

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